Regards méditerranéens sur la Loi électorale libanaise du 16 juin 2017

Regards méditerranéens sur la Loi électorale libanaise du 16 juin 2017
1 mars 2019 No Comments Liban,Vitrine Méditerranéenne Dr. Hiam MOUANNES

Une conjugaison insolite du scrutin proportionnel avec vote préférentiel et répartition des sièges paritairement entre deux communautés et proportionnellement à l’intérieur de chacune d’elles

L’exemple de la loi électorale libanaise du 16 juin 2017

par Hiam Mouannès,
Maître de Conférences, HDR,
Université Toulouse Capitole, 
Institut Maurice Hauriou


Les élections législatives libanaises des 27 et 29 avril (pour la diaspora) et du 6 mai 2018 (sur le territoire libanais) se sont tenues après trois auto-reconductions du Parlement (en 2013, en 2014 puis en 2017)[1] privant les citoyens de l’un de leurs droits politiques déterminant, celui de choisir leurs représentants à la Chambre des députés, l’unique Chambre du Parlement[2]. La nouvelle loi, adoptée le 16 juin 2017 sous le numéro 44 (ici LE-2017) établit un mode de scrutin au suffrage universel direct à la représentation proportionnelle à un seul tour avec vote préférentiel. Ce modèle est adopté dans plusieurs démocraties occidentales (l’Autriche, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, la Norvège ou encore la Suède et la Suisse)[3]. La loi électorale libanaise y greffe cependant des modalités de calcul et de répartition des sièges d’une précision herculéenne portant à son paroxysme le modèle libanais structurellement communautaire.

Malgré les critiques acerbes contre cette loi à laquelle il est principalement reproché de conjuguer l’inconjugable, à savoir la proportionnelle et le confessionnalisme politique, force est de reconnaître qu’elle a réussi un pari juridique et mathématique considérable. La présente réflexion consiste donc à démontrer d’une part l’extrême sophistication d’une législation électorale ne pouvant être lue ou appréhendée qu’à la lumière du contexte historique et politique du Liban et à prévenir d’autre part des conséquences juridiques du communautarisme politique jusqu’auboutiste, dont en premier lieu, la difficulté de composer un Gouvernement à la fois efficace et reflétant la représentation nationale au Parlement.

Des listes électorales conjuguant appartenances politique et confessionnelle

Le Liban est découpé en huit Mohafazat (équivalent des régions en France) : Beyrouth, Mont-Liban, Liban-Nord, Liban-Sud, Békaa, Nabatiyé, Baalbek-Hermel et Akkar. La loi électorale du 16 juin 2017 a découpé le territoire en quinze circonscriptions électorales (grands caza, qu’on appellera ici caza). Celles-ci sont composées, pour certaines, de petites circonscriptions (petits-caza). Les quinze caza sont ainsi répartis : deux pour Beyrouth (« B I » chrétien et « B II » musulman), quatre pour le Mont-Liban (dont le caza « Mont-Liban I » comprenant deux petits-caza : Kesrouan et Jbeil ; et le caza « Mont-Liban IV » comprenant également deux petits-caza : Chouf et Aley), trois pour leLiban-Nord (le caza « Liban-Nord I » pour Akkar ; le caza « Liban-Nord II » pour Tripoli et Minié-Denniyé et le caza « Liban-Nord III » pour chacune des petits-caza de Batroun, Koura, Zghorta et de Bécharré), trois caza pour laBékaa (dont le caza « Békaa III » pour Baalbek-Hermel) et trois caza pour le Liban-Sud (le caza « Liban-Sud I » pour Saïda et Jezzine ; le caza « Liban-Sud II » pour Tyr et Zahrani et le caza « Liban-Sud III » pour Bint-Jbeil, Nabatiyé et Marjeyoun-Hasbaya).

Pour les élections législatives libanaises tenues en avril et mai 2018 au Liban (sur le territoire et partout dans le monde pour la diaspora), l’électeur d’un petit-caza (ou d’un caza lorsque les deux coïncident) disposait d’un seul bulletin sur lequel figuraient toutes les listes en présence dans sa petite-circonscription[4]. Il était invité à user de son droit de vote en cochant une seule des listes en concurrence. Il pouvait aussi, à l’intérieur de cette même liste, exprimer un vote préférentiel en cochant le nom d’un candidat. Si ce procédé se rapproche des systèmes électoraux de plusieurs pays démocratiques, il s’en distingue cependant par l’identification confessionnelle de chaque candidat sur chacune des listes.

En effet, les listes électorales en présence dont chacune est identifiée par une couleur et affiliée à un courant politique bien déterminé (ou à une alliance de partis), indiquent – en bas du nom du caza et du petit-caza – le prénom de chaque candidat, le prénom de son père (article 45/1 LE-2017)[5] et son nom propre, en sus de la photo de chaque candidat. Elles indiquent aussi la confession religieuse de chacun d’entre eux et leur petit-caza d’origine. De cette manière, le vote est exprimé à la fois en faveur de la liste telle qu’elle est proposée et bloquée par le parti ou alliance de partis politique(s) concerné(s), mais aussi en prenant connaissance de l’appartenance communautaire de chaque candidat.

L’appartenance confessionnelle des candidats sur une liste doit par ailleurs correspondre au nombre maximal de sièges revenant à chaque communauté religieuse. Une liste, même incomplète, ne peut non plus contenir un ou des candidat(s) appartenant à une ou des communauté(s) ne pouvant prétendre à aucun siège dans le petit-caza. A titre illustratif, dans le caza « Mont-Liban III » (Baabda)[6], six sièges étaient à pourvoir : trois revenaient aux maronites, deux aux chiites et un aux druzes. Sur les quatre listes en présence[7], trois étaient complètes et composées chacune d’autant de maronites (trois en l’occurrence), de chiites (deux) et de druzes (un seul) que de sièges revenant de droit à chacune de ces confessions. La quatrième liste, « Unité et développement de Baabda », n’était composée que de cinq candidats (trois maronites, un druze et un seul chiite au lieu de deux) ; un éventuel sixième candidat aurait pu y être intégrée, à la seule condition qu’il releva de la confession chiite.

L’électeur, appelé, quelle que soit son appartenance religieuse, à voter pour « une liste », ne votait pas pour une communauté religieuse particulière ni ne choisissait, à l’intérieur de la liste les candidats à élire individuellement parmi ceux relevant de sa propre communauté. Il était invité, en tant que citoyen, à « cocher » une liste ; il pouvait aussi s’abstenir, ou, dans le secret de l’isoloir, voter blanc ou nul. Les députés au Parlement libanais ne sont donc pas élus chacun par leur propre communauté mais par tous les électeurs du petit-caza.

La tendance communautaire est favorisée par la répartition confessionnelle des sièges et, depuis 2017, par le vote préférentiel. La liberté électorale supplémentaire reconnue à l’électeur libanais est matérialisée en effet par le « vote préférentiel », lui permettant d’affiner son choix, contrecarrant le cas échéant l’ordre des candidatures prédéterminé par les partis politiques. Ce vote renforce naturellement le caractère confessionnel du scrutin dans la mesure où l’électeur pourrait faire son choix de la liste par rapport au candidat de sa propre communauté auquel il aura décidé d’accorder sa « préférence ».

Ce procédé fait en même temps ressortir (et nourrit) le caractère consensuel de la démocratie libanaise pour au moins une raison : le choix préférentiel réalisé par l’électeur ne peut être déterminé par la seule appartenance communautaire des candidats dans la mesure où toutes les listes sont pareillement pluriconfessionnelles dans la limite des sièges revenant à chaque confession dans le petit-caza. L’entente entre les différentes communautés intéressées dans le même petit-caza est a fortiori essentielle[8] et les candidatures consensuelles, privilégiées. L’appartenance confessionnelle se greffe donc, au Liban, à l’adhésion, aux alliances et au combat politiques caractérisant toutes élections, en l’occurrence, ici, les élections législatives. Ni la campagne électorale ni le vote ne se font sur la stricte base confessionnelle ou sur la stricte base politique programmatique. Les partis s’allient ou se distinguent par leurs stratégies diverses, y compris communautaires.

A titre d’illustration, si l’on considère les élections législatives d’avril et de mai 2018 à travers le caza « Mont-Liban III » (Baabda), ce sont deux listes politiques[9] qui décrochent le droit de participer à la répartition des sièges : la liste « L’Entente nationale » (portée par le tandem Courant patriotique libre et le Hezbollah) l’emporte avec quatre sièges[10] sur six ; la liste « Unité et développement de Baabda » (portée par le parti des Forces libanaises) remporte deux sièges[11]. À cette répartition du nombre de sièges entre les listes politiques, proportionnellement au nombre de suffrages obtenus, se greffe une répartition communautaire des sièges[12] fondée sur le décompte des voix préférentielles. En l’occurrence, sur les six sièges du caza « Mont-Liban III » (Baabda), trois sièges revenaient aux maronites, deux aux chiites et un aux druzes. Eu égard au taux de votes préférentiels obtenu, la liste « L’Entente nationale » a décroché deux sièges maronites et les deux sièges chiites[13] ; la liste « Unité et développement de Baabda » a décroché le troisième siège maronite et le siège druze[14].

L’encadrement du vote préférentiel

La loi du 16 juin 2017 conditionne la validité du vote préférentiel d’une part par l’appartenance géographique du candidat au petit-caza où il est lui-même électeur et d’autre part par la correspondance entre le vote préférentiel exprimé et la liste « cochée ».

En effet, un électeur ne peut accorder son vote préférentiel qu’à un candidat inscrit dans le petit-caza et présent sur une des listes en lice dans celui-ci. Aussi, un candidat du Liban-Nord par exemple, inscrit sur les registres de Zghorta, ne peut se présenter que dans le caza « Liban-Nord III », englobant plusieurs petits-caza dont celui de Zghorta. Dans le cas où il se présente dans plusieurs petits-caza de cette circonscription dont celui de Zghorta, il ne peut bénéficier de votes préférentiels que strictement dans ce dernier[15].

Le scrutin étant un scrutin de liste bloquée et le vote préférentiel une option, celui-ci se rajoute et, en principe, ne se substitue pas au vote pour une liste ; quand il est utilisé par l’électeur, ce vote préférentiel ne peut être exprimé qu’en faveur d’un seul candidat choisi dans la même liste pour laquelle il a accordé son suffrage. Trois cas de figure sont dès lors prévus par les dispositions de l’article 98 LE-2017 et visant à limiter les invalidations pouvant être dues à l’incompréhension du procédé. Dans le cas où l’électeur use de son seul vote préférentiel sans cocher la liste correspondante (pour multiple raisons dont par exemple son rejet pour les autres candidats de la liste en question), il est supposé avoir accordé son suffrage à la liste en question. Cette dernière est donc entièrement validée, ainsi que le vote préférentiel (l’électeur donne une voix mais deux votes sont comptabilisés : son vote préférentiel réellement exprimé et son vote supposé au profit de la liste correspondante). Le deuxième cas de figure se présente lorsque l’électeur exprime plusieurs votes préférentiels sur la même liste. Dans ce cas son vote multiple à l’intérieur de la même liste est réduit à un seul et unique au profit d’une voix pour la liste (les votes préférentiels sont invalidés). C’est enfin sous peine de nullité de son « vote préférentiel » que l’électeur ne peut cocher une des listes en présence et donner sa voix préférentielle à un candidat sur une autre liste : dans ce cas, seule la liste cochée est validée.

Le décompte des suffrages exprimés et des votes préférentiels

Le décompte des suffrages exprimés en vue de la répartition des sièges entre les listes, entre les communautés et entre les candidats de chaque liste et de chaque communauté, est d’une extrême complexité. Il est réalisé par trois opérations successives : le calcul classique du quotient électoral ; le calcul d’un second quotient électoral (et le cas échéant le calcul de la décimale la plus élevée) ; le décompte des votes préférentiels obtenus par chaque candidat ainsi que leur taux à l’intérieur de chaque communauté.

Le quotient électoral (ici QE) résulte du rapport entre le nombre total des suffrages exprimés (englobant le vote blanc) et le nombre total des sièges à pourvoir dans le petit-caza. Le QE permet, comme dans tout scrutin de liste à la représentation proportionnelle, d’attribuer à chaque liste en présence autant de sièges que son nombre de suffrages contient de fois le QE ; mais, au Liban, le QE sert aussi de « seuil d’éligibilité » (art. 99 LE-2017). La (ou les) liste(s) dont le nombre de suffrages obtenus est inférieur au QE sort(ent) définitivement de la course. Ce procédé incite l’électeur à voter « utile » et les partis politiques à ne pas inutilement trop se disperser. Pour illustration peut-on considérer le caza « Békaa I » (Zahlé)[16] où sept sièges étaient à pourvoir (deux pour les grecs-catholiques, et un pour chacune des communautés grecque-orthodoxe, maronite, arménienne-orthodoxe, chiite et sunnite)[17]. Cinq listes (composées d’un total de trente-deux candidats), dénommées ici par souci de simplicité A, B, C, D et E, étaient en concurrence[18]. Le nombre total des suffrages exprimés était de 94 082 (49,1 % de participation) dont 2 414 bulletins nuls. Les suffrages validés étaient donc de 91 668 (dont 545 bulletins blancs) :

Liste A : 36 391 suffrages exprimés (ici SE)

Liste B : 23 546 SE

Liste C : 18 702 SE

Liste D : 10 885 SE

Liste E :   1 599 SE

Blanc   :      545 (bulletins blancs)

Le QE (91 668/7) qui correspond dans le cas de l’espèce à 13 095, détermine le seuil d’éligibilité nécessaire pour accéder à la répartition des sièges dans ce petit-caza. Les listes D et E ayant obtenu chacune un nombre de suffrages inférieur à 13 095 sont définitivement éliminées.

La deuxième opération consiste à déterminer le nombre de sièges revenant à chacune des listes A, B et C, restées dans la course. Pour cela, un nouveau QE (ici QE 2) est calculé et auquel ne participent que les listes A, B et C.  Le QE2 est alors obtenu par le rapport entre le nouveau nombre des suffrages exprimés (par les seules listes A, B et C) et le nombre total des sièges à pourvoir, soit 91 668 – (10 885+1 599) = 79 184/7 = 11 312.

La liste A obtient 3 sièges : 36 391/11 312 = 3,21 = 3 sièges.

La liste B obtient 2 sièges : 23 546/11 312 = 2,08 = 2 sièges.

La liste C obtient 1 siège : 18 702/11 312 = 1,65 = 1 siège.

Dans le cas de l’espèce un siège restait à pourvoir. Il le sera sur le principe de la « décimale la plus élevée ». Celle-ci correspond au plus grand nombre de suffrages « non utilisés » (le principe du plus fort reste) par une des listes restant dans la course[19]. Pour le caza « Békaa I » (Zahlé), le septième siège revient donc à la liste C (la plus petite liste) avec une décimale de 0,65 contre 0,22 et 0,08 pour les deux autres listes concurrentes (A et B). La décimale la plus élevée ne bénéficie cependant pas toujours à la petite liste. Dans le caza « Beyrouth I » par exemple où cinq listes étaient en concurrence pour huit sièges à pourvoir, c’est une des grandes listes qui avait déjà décroché trois sièges qui a remporté le huitième siège.

La clé de la répartition du ou des siège(s) non attribué(s) n’est en revanche pas la même lorsque deux ou plusieurs listes sont à égalité de « décimales ». Dans ce cas, le siège revient, aux termes des dispositions de l’article 99 LE-2017, à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de sièges (donc, forcément dans ce cas, à la plus grande formation politique). Dans le cas où deux listes ont décroché le même nombre de sièges, le législateur fait alors entrer en ligne de compte le nombre de « votes préférentiels » obtenus par chaque candidat. Le siège restant à pourvoir revient alors à la liste dont le candidat, arrivé premier, a obtenu le taux le plus élevé des votes préférentiels (tous candidats et toutes communautés confondus) ; et, à défaut, le siège revient à la liste dont le candidat, arrivé deuxième, a obtenu le taux le plus élevé des votes préférentiels et ainsi de suite.

Demeure la dernière opération consistant à départager les « candidats » entre les listes et entre les communautés. Une fois calculé le nombre de votes préférentiels obtenus par chaque candidat, c’est celui des taux de votes préférentiels qui déterminera les résultats définitifs.

Le taux de VP est obtenu par le rapport entre le total de VP de chacun des candidats et la somme des VP obtenue par l’ensemble des candidats de sa propre communauté, présents sur les différentes listes participant à la répartition des sièges dans le même petit-caza. L’opération est répétée autant de fois qu’il y a de candidats de la même communauté concernée sur les listes ayant obtenu des sièges et autant de fois qu’il y a de candidats sur chacune desdites listes[20].

Reprenons l’exemple du caza « Békaa I » (Zahlé), il est d’abord procédé à la reconstitution des listes selon le nombre de votes préférentiels obtenu par chacun des candidats sur les listes A, B et C du caza « Békaa I » (Zahlé) :

Pour la communauté grecque-catholique par exemple, le total des VP obtenu par chacun des cinq candidats est alors divisé par la somme des VP obtenue par l’ensemble des candidats de cette communauté présents sur les listes A, B et C : par exemple, le candidat Georges Okais (grec-catholique, liste C), avec 11363 VP, est à 40,04 % des VP obtenus par la totalité des candidats grecs-catholiques desdites listes ; le candidat Michel Daher (même communauté, liste A), avec 9742 VP, est à 34,33 % des mêmes VP ; ainsi de suite pour l’ensemble des candidats grecs-catholiques. L’opération est répétée de la même manière pour les candidats de chacune des autres communautés concernées (grecque-orthodoxe, arménienne-orthodoxe, maronite, sunnite et chiite)[21].

Une seule liste est ensuite constituée sur laquelle l’intégralité des taux de votes préférentiels est posée dans l’ordre décroissant[22]. Enfin, il est procédé à l’attribution des sièges dans l’ordre du tableau, sous réserve du nombre de sièges revenant à la fois à chaque liste et à chaque communauté (art. 99/7 LE-2017)[23].

Sur le fondement de ce calcul, la candidate arménienne-orthodoxe, Marie-Jeanne Bilezikjian, ayant pourtant obtenu 3 851 VP (soit 94,62% des VP de sa communauté) et classée 6ème sur sa liste, n’a pu être élue car cette liste avait déjà épuisé les trois sièges qui lui revenaient ; de même le candidat arménien-orthodoxe de la liste C, Boghos Kurdian qui avait obtenu 142 VP (soit 3,49% des VP de cette même communauté), n’a pu être élu pour les mêmes raisons ; le seul arménien-catholique (Eddy Demerdjian) restant dans la course se trouvait sur la liste B qui a encore droit à un siège ; ce candidat sera donc déclaré élu malgré les 77 petits VP qu’il obtient et représentant 1,89% des VP de sa communauté.

Auteur: Hiam Mouannès, à partir des données du Ministère de l’Intérieur (élections législatives 2018)

A ceux qui ambitionnent d’introduire le scrutin proportionnel, conjugué à l’égalité et à la proportionnalité d’accès de toutes les particularités, sur tout le territoire et dans chacune de ses circonscriptions, le mode électoral libanais en serait le modèle… à moins d’éviter le communautarisme sous tous ses aspects et le bannir au profit du principe d’égalité juridique des citoyens quelles que soient leurs particularités. En effet, l’extrême volonté de garantir une représentation fidèle des particularités (sous toutes ses formes) aboutit, comme dans le régime parlementaire libanais, à l’extrême difficulté de constituer un Gouvernement et, au mieux, de constituer un Gouvernement à même de gouverner. Au lendemain des élections législatives et conformément aux dispositions de l’article 53 de la Constitution libanaise, le chef de l’Etat, Michel Aoun, a, le 24 mai 2018, reconduit Saad Hariri au poste de Premier ministre. Cependant, faute de consensus sur l’attribution des postes ministériels entre les différentes confessions et forces politiques, le Liban est encore à l’heure où je rends les présentes lignes, plongé dans une regrettable crise ministérielle.


[1] Les motifs invoqués renvoyaient à l’existence de circonstances exceptionnelles liées à la guerre en Syrie (pays situé au Nord-Est du Liban) et aux mésententes internes au Liban sur la loi électorale à adopter.

[2] Le Liban est une République parlementaire, son Parlement est monocaméral. La durée du mandat de la Chambre des députés est de quatre ans. Le nombre des députés était de 99, il a été porté à 108 par les accords de Taëf (conclus en 1990 en Arabie Saoudite) puis à 128 par la loi électorale de juillet 1992.

[3] Lire sur le sujet, Les systèmes électoraux : permanences et innovations, Pascale Delfosse et Annie Laurent, L’Harmattan, Paris, 2004, 364 pages. Lire aussi notre contribution dans la Revue Politeia, n° 34-2018, « Une loi électorale libanaise inspirée de l’Occident et préservant, dans ses modalités d’application, la démocratie consensuelle propre au Liban »).

[4] Les bulletins furent pré-imprimés par le Ministère libanais de l’Intérieur et remis individuellement et en un seul exemplaire à chaque électeur au bureau de vote.

[5] Il est d’usage au Liban d’insérer, entre le prénom et le nom propre, le prénom du père. Ceci permet, entre autres, d’identifier en les distinguant, deux personnes portant le même prénom et le même nom de famille.

[6] Le caza Mont-Liban III correspond au petit-caza de Baabda.

[7] « we7dat wa 2enma2 Baabda » (Unité et développement de Baabda), « çawa li Baabda » (Ensemble pour Baabda), « Koullouna watani » (Tous ma Patrie) et « al wifak al watani » (L’Entente nationale).

[8] Cette entente peut en revanche faire défaut à l’intérieur de la même communauté religieuse dont les candidats sont nécessairement éparpillés entre listes concurrentes. La campagne électorale ne se joue dès lors pas nécessairement communauté religieuse contre une autre mais offre intercommunautaire portée par un parti politique ou une alliance de partis contre une autre.

[9] Voici le poids des différentes listes « politiques » au Parlement libanais au lendemain des élections d’avril et de mai 2018 : 25 sièges au Courant patriotique libre et apparentés, 3 sièges au Tachnag, 16 aux Forces Libanaises, 3 au parti Kataëb, 3 au Bloc Marada, 19 au Courant du futur, 4 au Bloc Mikati, 2 au Bloc Karamé, 9 au PSP de Joumblat, 14 au Hezbollah et apparentés, 17 au parti Amal et apparentés, 3 aux sunnites du 8-Mars, 3 au PSNS, 1 seul siège à la Société civile et 6 sièges aux Indépendants (cf. Données du Ministère libanais de l’Intérieur ; lire aussi « La répartition des forces au sein du nouveau Parlement », rubrique « Législatives », L’OLJ du 9 mai 2018, p. 2). Les étiquettes politiques ainsi présentées ne sont cependant pas parlantes puisque, selon les caza, les alliances se faisaient ou se défaisaient au gré des stratégies.

[10] Revenant à Alain Aoun et Hikmat Dib (tous deux affiliés au parti Courant patriotique libre, parti de Michel Aoun ; ils étaient respectivement, premier et dernier sur la liste « L’Entente nationale »), à Ali Ammar (du parti du Hezbollah et deuxième sur cette même liste) et à Fadi Alamé (du parti Amal et troisième sur cette même liste).

[11] Le premier siège est attribué à Pierre Abou Assi (tête de la liste « Unité et développement de Baabda », du parti des Forces Libanaises), le second à Hadi Abou el-Hosn (du parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt et deuxième sur cette même liste portée par le parti des FL en alliance avec le PSP).

[12] Cf. Tableau en fin du présent article : « répartition communautaire des sièges au Parlement libanais ».

[13] Il s’agit d’Alain Aoun et de Hikmat Dib (affiliés au parti Courant patriotique libre) tous deux maronites ; Ali Ammar (candidat du Hezbollah) et Fadi Alamé (candidat du parti Amal) tous deux chiites.

[14] Il s’agit de Pierre Abou Assi, maronite (tête de la liste « Unité et développement de Baabda ») et de Hadi Abou el-Hosn, druze (deuxième de cette même liste).

[15] Dans les petits-caza où un candidat se trouve sur une liste mais ne peut règlementairement bénéficier de votes préférentiels, la case correspondante est noircie pour éviter toute erreur.

[16] Environ 180 000 habitants répartis entre près de 100 000 chrétiens et 80 000 musulmans.

[17] Cf. « Répartition communautaire des sièges au Parlement libanais », tableau joint à la présente contribution.

[18] Le nom réel de chaque liste : « Zahlé pour tous » (ici liste A) ; « Zahlé, le choix et la décision » (ici liste B) ; « Zahlé notre cause » (ici liste C) ; « Myriam Tok Skaff » (ici liste D) et « Société civile » (ici liste E).

[19] Dans le cas où plusieurs sièges restent à pourvoir, l’opération se répète jusqu’à épuisement des sièges disponibles (article 99, aliéna 4 LE-2017).

[20] Cf. infra, les tableaux relatifs au petit-caza de Zahlé : « Détermination des sièges tenant compte du vote préférentiel et de la répartition communautaire » et « Répartition des sièges dans le caza Bekaa I ».

[21] Cf. Tableau ci-joint : « Détermination des sièges tenant compte du vote préférentiel et de la répartition communautaire ».

[22] Cf. Même tableau : « Détermination des sièges …

[23] Cf. Tableau ci-joint : « Répartition des sièges dans le caza Békaa I ».

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Dr. Hiam MOUANNES Hiam Mouannès, membre de la cellule toulousaine du LMDP est Maître de Conférences, HDR, Université Toulouse Capitole - Institut Maurice Hauriou

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